Super-éruptions, climat et
survie de l'espèce humaine face à la chute brutale des températures
L'éruption
explosive du Mont Pinatubo en 1991 a dégagé suffisamment de composés de souffre
dans la stratosphère pour réduire de manière substantielle la quantité de
lumière solaire qui atteint la surface de la Terre. En réponse à l'augmentation
de la réflectivité de la planète, la température de surface s'est refroidie
d'environ 0,3°C en 1992, avec un retour à la normale des températures en 1994.
Mais que se passerait-t-il si une éruption beaucoup plus importante se
produisait ?
Eruption du Mont St
Helens le 18 mai 1980 Crédit : USGS/Austin Post
Il y a environ 74
000 ans, une « super-éruption » s'est produite en Indonésie, l'éruption connue
la plus importante de ces 100 000 dernières années. L'éruption de Toba fut
énorme, projetant environ 1 000 fois plus de roches que l'éruption du Mont Ste
Hélène en 1980. Des poussières emprisonnées à l'intérieur de glaces polaires
montrent que les matériaux projetés se sont répandus tout autour de la planète,
indiquant ainsi que l'éruption a injecté des matières solides dans la
stratosphère, lieu où le climat peut être fortement affecté. Dans quelle mesure
et pour combien de temps l'éruption de Toba a-t-elle eu de véritables effets
sur le climat et la vie à la surface de la Terre ? Ceci a fait l'objet
d'intenses débats.
Récemment, un
modèle climatique ultra-moderne a été utilisé pour examiner la question.
L'étude comprenait des modèles développés par le Centre National pour la
Recherche Atmosphérique à Boulder, au Colorado et par l'Institut Goddard des
Etudes Spatiales (GISS) de la NASA à New York. Ce sont les mêmes modèles qui
ont été utilisés pour les prévisions à court terme des études sur le
réchauffement planétaire.
Dans ce cas, ils
ont simulé les réponses à une énorme éruption volcanique pour tester comment
différents processus pourraient affecter la réaction climatique. En tenant
compte de la taille présumée de l'éruption et des processus contenus dans les
modèles, le refroidissement planétaire maximum moyen était de 8 à 17°C. C'est un
changement énorme, qui représente environ 10 à 20 fois la taille du
réchauffement depuis l'ère de l'industrialisation et environ la même ampleur
que la transition vers une période glaciaire.
Parmi les résultats les plus
intéressants, on trouve qu'en réaction à la faible quantité de lumière solaire
capable de pénétrer l'épaisse couverture de cendres et de particules dans
l'atmosphère, des arbres à larges feuillages persistants et les arbres
tropicaux caduques disparaissaient virtuellement pour plusieurs années.
Cependant, le climat de la Terre revenait quasiment à la normale au bout d'une
décennie dans la majorité des simulations.
Le
rafraîchissement de la Terre durait plus longtemps dans les simulations des
modèles du GISS, ce dernier comprenant toutefois des réactions chimiques
interactives dans l'atmosphère. Ceci a joué un rôle important car la projection
de matières volcaniques était si importante dans l'éruption de Toba que des
processus chimiques ont été saturés, conduisant à une présence plus longue de particules
contenant du souffre dans la stratosphère. Ceci a rallongé le rafraîchissement
planétaire extrême si bien que dans ces simulations, la Terre restait au moins
10°C plus fraîche que la normale pendant une décennie entière.
Dans aucune des
simulations n'est apparu la formation d'une pellicule de glace car les
changements climatiques ne persistaient pas suffisamment longtemps. Ainsi donc,
les résultats ne confirment pas la théorie selon laquelle la super éruption
aurait entraîné une période glaciaire. Cependant, un « hiver volcanique » se
produisant soudainement et durant une ou deux décennies pourrait toujours avoir
des conséquences désastreuses pour la vie à la surface, avec des diminutions
massives et abruptes de la production alimentaire et l'extinction potentielle
de certaines espèces. En réalité, il y a des preuves que de telles extinctions
et la présence d'un « goulot d'étranglement génétique » de la population
humaine coïncident avec l'éruption. Les résultats suggèrent ainsi qu'une
réaction soudaine et grave du climat à la super-éruption de Toba peut avoir
balayé une grosse partie de la population humaine mondiale à cette époque.
Source Super-Eruptions,
Climate and Human Survival - NASA GISS
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