Quelles
sont les conditions nécessaires à l'explosion d'un supervolcan ?
Cette illustration d'artiste décrit la chambre magmatique d'un supervolcan. La pression résultant des différences de densité entre la roche solide et le magma liquide est suffisante pour fissurer la croûte terrestre dans laquelle pénètre le magma. © Nigel Hawtin / ESRF
Cette
illustration d'artiste décrit la chambre magmatique d'un supervolcan. La
pression résultant des différences de densité entre la roche solide et le magma
liquide est suffisante pour fissurer la croûte terrestre dans laquelle pénètre
le magma.
Des scientifiques
ont reproduit les conditions de pression et de température régnant dans la
chambre magmatique des supervolcans pour comprendre comment se déclenchent
leurs explosions. Ces explosions, heureusement très rares, sont les
catastrophes naturelles les plus dramatiques sur Terre, à l'exception des
chutes de météorites géantes. Grâce aux rayons X du synchrotron européen
(ESRF), les scientifiques ont établi que les éruptions des supervolcans peuvent
se produire spontanément, par simple augmentation de la pression magmatique,
sans besoin de cause externe. Ces travaux impliquent en France le Laboratoire
de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS / Université Lyon
1 / ENS Lyon) et l'ESRF (Synchrotron Européen) à Grenoble ainsi que
l'université Polytechnique (ETH) de Zurich, l'Institut Paul Scherrer à Villingen
(Suisse) et l'université Okayama (Japon).
C'est une
éruption de supervolcan, il y a 600 000 ans dans le Wyoming aux Etats-Unis, qui
a créé le cratère gigantesque, appelé caldeira, au centre duquel se trouve
aujourd'hui le Parc National de Yellowstone. Quand le volcan a explosé, il a
éjecté plus de 1000 km3 de cendres et de lave dans l'atmosphère, 100 fois plus
que l'éruption du Mt Pinatubo aux Philippines en 1992. Les grosses éruptions
volcaniques ont un impact majeur sur le climat de la planète. L'éruption du Mt
Pinatubo a fait décroître la température du globe de 0,4 degrés pendant
plusieurs mois. Pour un supervolcan, la chute de température pourrait être de
10 degrés pendant 10 ans...
Selon un rapport
de la Société géologique de Londres, en 2005, « même la science-fiction ne peut
imaginer un mécanisme crédible qui permettrait d'éviter l'éruption d'un
supervolcan. Nous devons cependant essayer de comprendre les mécanismes
impliqués dans les super-éruptions et prédire la catastrophe suffisamment à
l'avance pour que la société en soit avertie. La préparation est le seul moyen
de limiter les effets désastreux d'une super-éruption. »
Les mécanismes
qui provoquent les éruptions de supervolcans sont restés obscurs jusqu'à
maintenant. Ils sont bien différents des phénomènes éruptifs observés dans les
volcans conventionnels tels que le Mt Pinatubo. Un supervolcan possède une
chambre magmatique beaucoup plus grande et il est toujours situé dans une zone
où le flux thermique en provenance du centre de la Terre est très élevé. De ce
fait, la chambre magmatique est beaucoup plus grande et chaude, mais aussi
déformable : sa forme change en fonction de la pression au fur et à mesure
qu'elle se remplit de magma chaud. Cette plasticité permet à la pression de se
dissiper plus efficacement que dans un volcan normal, dont la chambre
magmatique est plus rigide. C'est pour cette raison que les supervolcans
n'explosent pas souvent.
D'où la question
: qu'est-ce qui peut alors provoquer l'éruption d'un supervolcan ? Wim Malfait
de l'ETH Zurich explique : "L'élément déclenchant est une pression
additionnelle causée par les différences de densité entre la roche solide et le
magma liquide. On pourrait comparer cela à un ballon de foot rempli d'air que
l'on plonge dans l'eau et qui remonte à la surface car l'eau est plus dense
tout autour." Cette pression additionnelle est-elle suffisante pour causer
des fissures de la croûte terrestre, suivie d'une éruption violente, ou faut-il
une source d'énergie externe comme un tremblement de terre ? Tel était le sujet
de cette recherche.
Comme il est
impossible de percer un trou dans la chambre magmatique d'un supervolcan pour
l'étudier directement, les scientifiques ont reproduit en laboratoire les
conditions extrêmes de pression et de température au niveau du magma. "Les
rayons X de l'ESRF peuvent être ensuite utilisés pour connaître l'état (liquide
ou solide) de la matière et les changements de densité lorsque le magma
cristallise sous forme de roche", dit Mohamed Mezouar, chercheur à l'ESRF
et membre de l'équipe. Jean-Philippe Perrillat, chercheur au Laboratoire de
géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS / Université Lyon 1 /
ENS Lyon), ajoute : "Des températures de plus de 1700 degrés et des
pressions jusqu'à 36 000 atmosphères peuvent être atteintes à l'intérieur d'une
presse appelée Paris-Edimbourg, où de minuscules échantillons de roche sont
placés entre les deux pointes d'une enclume en carbure de tungstène puis
chauffés avec un four résistif. Cet appareillage a été utilisé pour déterminer
très exactement la densité du magma liquide sur une large gamme de pressions et
de températures." Le magma contient souvent de l'eau qui, sous forme
de vapeur, ajoute de la pression. Les scientifiques ont également établi les
densités de magma en fonction du contenu en eau.
Les résultats de
ces expériences ont montré que la pression résultant des différences de densité
entre la roche solide et le magma liquide est suffisante pour fissurer la
croûte terrestre sur une distance de 10 km de la chambre magmatique. Carmen
Sanchez-Valle de l'ETH Zurich conclut : "Notre recherche a montré que la
pression est suffisante pour que la croûte terrestre se fissure et le magma
pénètre dans la croûte, même en l'absence d'eau ou de bulles de dioxyde de carbone.
En montant vers la surface, une expansion violente du magma connue pour être à
l'origine des explosions volcaniques, peut se mettre en place.
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